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Le pardon est-il dangereux ?
Dans cet article nous abordons le thème du pardon à travers deux ouvrages : celui
d’Alice Miller (2004), Notre corps ne ment jamais et celui d’Olivier Clerc (2015), Peut-on
tout pardonner ?

  • Le livre de Miller a, comme tous ses livres, pour thème central le déni de la souffrance de l’enfance. Il aborde plus particulièrement les répercussions sur le corps des émotions refoulées « or c’est bien souvent la morale et la religion qui nous poussent à nier jusqu’à leur existence… lorsqu’on a été maltraité dans son enfance, seul un refoulement massif et la déconnexion de ses véritables émotions permettent d’observer le Quatrième Commandement : « tu honoreras ton père et ta mère». En réalité, ces enfants sont hors d’état d’aimer et d’honorer leurs parents car, inconsciemment, ils n’ont pas cessé d’en avoir peur. Et même s’ils le souhaitent, ils sont incapables de nouer une relation confiante et sereine ».

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  • Pour Alice Miller, « il n’est pas vrai que le pardon libère de la haine, il contribue uniquement à le recouvrir et, ce faisant, à l’intensifier encore (dans l’inconscient). Il n’est pas vrai que nous devenons plus tolérants avec l’âge. C’est tout le contraire : l’enfant tolère les absurdités de ses parents parce qu’il les croit normales et qu’il lui est interdit de se défendre. L’adulte, lui, souffre du manque de liberté et des contraintes, mais cela va se faire jour dans ses relations avec des substituts, ses propres enfants et son conjoint. Sa peur infantile, inconsciente, de ses parents l’empêche de découvrir la vérité. La haine ne rend pas malade. C’est vrai de la haine refoulée, déconnectée, mais non du sentiment vécu consciemment et exprimé (P107). Adultes, nous n’éprouvons de la haine que lorsque perdure une situation ou l’expression de nos sentiments nous est refusée. Dans cet état de dépendance, nous commençons à haïr. Dès que nous en sortons (et l’adulte le peut dans la plupart des cas, sauf s’il est prisonnier d’un régime totalitaire), dès que nous nous délivrons de cet esclavage, la haine s’évanouit. Mais tant qu’il demeure, il ne sert à rien de s’interdire de haïr, comme le prescrivent toutes les religions. Il faut comprendre ce qui se passe pour pouvoir adopter ce comportement qui nous libère de la dépendance génératrice de haine ».
  • De quoi nous parle Alice Miller ? « De gens qui, dès le plus jeune âge, ont été coupés de leur sentiments les plus authentiques » pour répondre à une injonction parentale, institutionnelle ou culturelle. Nous y sommes. Pour Alice Miller il y a une nécessité absolue à reconnaître ses sentiments quels qu’ils soient, fussent-ils des sentiments de haine.
  • Mais qu’est-ce que la haine ? La haine est l’action de haïr et selon le Littré : avoir pour quelqu’un un sentiment qui fait que nous lui voulons du mal. La haine n’implique donc pas la personne concernée uniquement mais autrui. On a de la haine envers quelqu’un fut-il soi-même. On peut se sentir heureux, joyeux, paisible, mais il est rare de se sentir haineux sans impliquer une dualité. Devons-nous être dépendant de l’autre, de cet attachement pour nourrir la haine, c’est fort probable.
  • Que nous dit Alice Miller ? Reconnaître nos sentiments, ne pas jeter l’anathème sur des sentiments jugés amoraux. Mais la reconnaissance de sa vérité intérieure ne serait-elle pas un premier pas vers le pardon puisque « dès que nous nous délivrons de cet esclavage, la haine s’évanouit » ? De quel esclavage parle-t-elle ? D’une morale rigide qui ne permet pas de reconnaître ses blessures. Qui ne permet pas de s’aimer soi-même. Mais pardonner est-ce vraiment se couper de ses sentiments ? Qu’est-ce que le pardon « véritable » ?
  • Le livre d’Olivier Clerc nous présente diverses techniques de pardon : Forgiveness project, (les neuf étapes du Dr Fred Luskin de l’université de Stanford), le pardon radical de Colin Tipping, Ho’oponopono (approche hawaïenne du pardon qui signifie rétablir l’équilibre), Michel Ruiz l’auteur des quatre accords toltèques et la méthode de l’auteur en 4 étapes. Dans un premier temps, Olivier Clerc redéfinit la notion de pardon en la rendant « sensible ».

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  • Il est curieux de constater que ces 2 approches (celle de Miller et Clerc) aboutissent (dans le meilleur des cas) à « l’évanouissement de la haine ». Il semble donc qu’une étape essentielle fasse consensus : la reconnaissance de son état intérieur. Cette « attention au cœur» me semble en effet centrale car comme le disait Hadewijch d’Anvers, mystique du XIII siècle : « Car la raison n’a pas sa place dans cette passion admirable et ne peut sonder l’abîme caché à toute créature : ces choses sont réservées à la jouissance de l’amour ».
  • Le pardon a des significations très différentes pour chacun d’entre nous : morales, religieuses, psychologiques, philosophiques etc. Il relate 15 obstacles majeurs au pardon :
    1. Le pardon serait une pratique exclusivement religieuse,
    2. Le pardon serait obsolète, archaïque,
    3. Le pardon serait surtout un cadeau que l’on fait à l’autre,
    4. Pardonner reviendrait à cautionner, accepter, excuser,
    5. Il serait impossible de pardonner si l’autre ne demande pas pardon,
    6. Si l’on a pardonné, il faudrait oublier,
    7. Pardonner, ce serait se réconcilier,
    8. Confondre la personne et l’acte (il ne me prête pas son jouet, il est méchant !),
    9. Quand on ne voit que la dimension personnelle de l’acte (les autres vous voient-ils vraiment comme vous êtes ?),
    10. Vouloir comprendre tout de suite ce qui nous arrive,
    11. L’orgueil comme obstacle sans conscience de se pénaliser soi-même,
    12. Confondre culpabilité et pardon,
    13. Confondre humiliation et humilité,
    14. Le pardon serait un signe de faiblesse,
    15. Vouloir aller plus vite que la musique.
  • Selon Olivier Clerc : « si c’est moi qui ai fauté, je peux demander pardon sans me complaire dans la culpabilité, pour concentrer plutôt mon énergie à réparer ce qui peut l’être, à modifier ceux de mes comportements qui doivent l’être. La culpabilité n’apporte rien à autrui. Elle risque même de nourrir l’ego de celui qui aurait besoin de prendre sa revanche. Mais si c’est autrui qui a mal agi envers moi et que j’en conçois durablement du ressentiment ou de la haine, je peux lui demander pardon de m’être servi inconsciemment de ses faits et gestes pour justifier et faire perdurer mon état intérieur, là encore en me responsabilisant plutôt qu’en me culpabilisant, en me réappropriant mon pouvoir sur mes émotions et sentiments». Le pardon-humiliation (demande pardon) de l’enfance peut fausser la compréhension que l’on garde adulte de ce processus : « je ne demande plus pardon parce qu’on m’y force, en m’abaissant, en me ratatinant devant les autres, sous l’effet de la peur ou de la contrainte. Je demande pardon parce que j’en éprouve le besoin dans mon cœur, parce que j’en comprends le sens et la finalité profonde, parce que je veux me libérer de toute haine, du lien toxique du ressentiment, parce que je veux guérir et retrouver ma liberté intérieure ».
  • La raison, en effet, est un bon serviteur mais un mauvais maître. Nous sommes en Août 2016 et force est de constater que les convictions, les croyances, la débilité du mental déconnecté du cœur font des ravages. A quand ce retournement ? Dans un premier temps, écoutons nos sentiments, écoutons notre cœur avec toute l’attention qu’il mérite et qui sait, peut-être un jour comme le souhaite Clerc et le dit si bien Alice Miller « dès que nous nous délivrons de cet esclavage, la haine s’évanouit ».

Lucile Vignon
Bibliographie

  • Alice Miller (2004), Notre corps ne ment jamais, Flammarion.
  • Hadewijch d’Anvers (2002), Les Lettres, la perle de l’école Rhéno-Flamande, traduite et présentées par Paul-Marie Bernard, Sarment.
  • Olivier Clerc (2015), Peut-on tout pardonner, Eyrolles.
  • Auteur de l’article : Lucile Vignon, publication : 11/08/2016

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